Emile Grandon est revenu. Il a sonné à 20:30, il faisait nuit, je ne l’ai pas reconnu. Les cheveux plus longs, plus grisonnants et le visage ridé. Presqu’un an que je ne l’avais pas vu, comment peut-on vieillir si rapidement en si peu de temps ? Emile Grandon n’a pas pris de vacances, il intervient chez ses clients de 8:00 à 23:00 du lundi au dimanche, il vit en temps partagé chez eux et dans son camion. J’ai presque honte de l’avoir appelé pour réparer ma chaudière en panne. Une panne pas simple, tant mieux, il préfère. Je lui ai proposé un café, j’ai attendu sa réponse, toujours la même « Bah ! si vous avez un vieux café qui traîne… », une réplique de théâtre, qu’on attend impatiemment, qu’on aime à relire où plutôt à réécouter quand elle sort de la bouche d’un Personnage. Il m’aurait répondu « oui, merci », ma déception aurait été grande. Les visites d’Emile Grandon ne sont pas invasives, cet homme intrigue, amuse et pousse à la bonne humeur. « Vous savez vous servir d’une clef à molette ? » me lance-t-il penché sur la chaudière, « ben oui… » « Prenez ces 2 là, me dit-il en me tendant deux spécimens sortis directement de sa boîte à outils, et dites-moi ce qui ne va pas, peu de mes clients trouvent… » Ah ! Emile Grandon me lance un défi, une sorte de test de QI. Je l’interroge, le soumets à un petit questionnaire smilblickien, il me répond par onomatopées. Sans vouloir me vanter, j’ai trouvé. Il n’a pas eu l’air étonné, ouf… La semaine prochaine, Emile Grandon repassera et je pense à lui comme le héros éponyme d’un roman, l’histoire d’un plombier, heureux d’exercer son métier.